Il s’était toujours demandé pourquoi sa conscience était si différente de celle des autres, pourquoi il ne s’était jamais senti à sa place dans ce monde où tout lui était étranger. Il en était arrivé à la conclusion que l’univers avait été construit pas la conscience collective et que lui flottait comme un électron libre lâché dans le vide. Pourtant, ainsi éloigné, il pouvait voir et comprendre mieux que quiconque la trivialité de la société et des personnes. Mais qui pour entendre ses mots ? Qui pour recevoir cette énergie qu’il pressentait en lui ? Alors il traversait la vie tel un fantôme au milieu des vivants qui trouvaient un sens à tout cela. Il y avait bien eu cette fille, cet amour. Elle lui avait dit qu’il était vivant parmi les morts. Il y avait cru et s’était conformé à ses attentes tel un caméléon empathique. Mais au bout de quelques années elle l’avait rendu semblable aux autres et l’avait quitté pour un « plus vivant » que lui. Détruit, il perdit confiance en l’autre et redevint fantôme, jamais complètement à sa place, trop conscient. Il se demandait désormais s’il pourrait vivre de nouveau sans ces larmes au bord des yeux, sans la douleur dans son ventre, qui l’étouffait ; s’il trouverait une place, sa place. Il commença à apprendre à lâcher prise, à laisser être ses sentiments, son énergie en un amour infini, à ne plus juger ce qu’il comprenait trop bien. Tel un papillon il sortit de sa chrysalide et s’ouvrit aux autres. Mais la douleur était toujours présente. Il avait beau apporter joie et bonheur, il restait seul. Il avait beau être « un mec génial », sa différence faisait peur. La vie convergea alors pour lui donner une nouvelle leçon au travers de deux yeux bleus.
Au hasard de la rencontre il lui parle et tente d’offrir ce qu’il est, dans cette nouvelle ouverture. Pourtant immédiatement il doit lutter pour ne pas chercher à paraitre, pour ne pas devenir l’attente de cette fille. Perdu dans cette confusion il ne perçoit plus que ce sentiment qui monte en lui, ce sentiment oublié, refoulé, piétiné. C’est sa maladie : c’est instantanément présent en une force infinie. Ils se parlent, échangent et rient. Son cerveau se met à fonctionner trop vite, trop fort. Il doit le freiner puis l’arrêter. Pourtant à la fin de la journée il est heureux de cette rencontre, de ce cadeau.
Régulièrement ils se revoient et chaque fois en lui la magie opère dans la simplicité de l’instant. Alors un jour il lui dit. Ce qu’il ressent, ce qu’il est. Aveux empli d’espoir vainc. Le regard bleu est maintenant teinté de la peur de la violence du sentiment. Il s’en veut d’en avoir trop montré. Il devrait savoir qu’à chaque fois qu’il s’est montré rien n’a fonctionné, que les escargots rentrent dans leur coquille quand ils ont peur. Pourtant il ne s’est pas trompé sur elle. Elle ne s’enfuit pas. Elle aussi est différente. C’est justement ça qui l’a attiré. Mais cette impression en lui ne le quitte plus, l’impression d’être encore plus seul, l’impression de n’être là que pour aimer, aimer en un don, sans attente et sans retour.
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