Cela faisait seulement six mois qu’elle l’avait quitté. Leur couple avait vécu. L’amour entre eux restait fort mais la passion dont elle se nourrissait s’était étiolée avec les années. Elle rêvait de nouveaux élans et sa prise de poste récente dans une grande entreprise lui offrait de nombreuses opportunités de se laisser aller. Dès lors les défauts qu’elle avait appréciés et même entretenus chez lui commencèrent à l’irriter. Pire, voyant la femme de sa vie s’éloigner, il se crispa, chercha à la retenir, l’étouffa. La spirale de la rupture était lancée et après une nouvelle soirée de dispute, elle lui annonça sa décision de partir.
Il en fut anéanti. Il dut apprendre la solitude, l’absence de communication, l’isolement. Il vivait désormais seul dans une maison de province qu’ils avaient achetée tous les deux, juste avant, comme pour resserrer le lien brisé. Même à deux, cette résidence lui était insupportable tant il aimait l’agitation des grandes métropoles. Là il avait l’impression d’agoniser et de se vider de toute humanité. Les larmes coulaient souvent le long de son visage.
Il la revoyait régulièrement, pour des questions administratives. A chaque fois il ne pouvait se retenir d’essayer de la faire revenir. Il suppliât si souvent. Rien n’y fit. Elle lui dit avoir des expériences à faire, vouloir faire l’amour avec d’autres, vouloir connaitre la passion à nouveau. Lui était le passé, du connu. Elle l’aimait ; c’était suffisant pour elle.
Puis ses amis le firent sortir, rencontrer des gens, se distraire. Alors il se dit qu’il allait faire comme elle, vivre de nouvelles passions. Il se lança dans quelques relations sans lendemain, juste pour se rassurer. Puis cette fille, S., qui lui déclara son amour. Il se dit pourquoi pas, se persuada que oui, il ressentait des sentiments à son égard ou qu’ils pouvaient naître. Ils se voyaient régulièrement S. et lui, mais jamais il ne lui fit de promesse. Il ne construisait pas, se laissait juste aller. Il savait que son « ex » voyait quelqu’un aussi. Elle le lui avait dit. Ce jour-là il dû faire bonne figure, sourire, ne pas pleurer devant S.
Ce soir de décembre, à 3 jours de noël, il a prévu de dormir à Paris chez S. Elle est ravi car il dors de plus en plus souvent chez elle et y voit une preuve d’amour. Ils marchent vers le cinéma où ils vont voir le film dont tout le monde parle. Enfin s’il tient jusqu’au bout car il a tendance à partir avant la fin : depuis sa rupture il se sent enfermé, claustrophobe. Ils parlent et rigole des anecdotes de leurs journées quand il la voit, devant lui avec l’autre. Elle l’a vu aussi.
Instantanément un poignard lui transperce le plexus. Il suffoque, sens les larmes monter mais se contrôle, pour S., pour lui aussi, pour son orgueil ou ce qu’il en reste. Ils restent là figés à se regarder. S. ne comprends pas la situation, elles ne se sont jamais vues. L’autre non plus. « Allez ! On y va… » Dit-il. Mais ils restent là à se fixer. Il voudrait hurler ? Savoir ce qu’elle ressent. Sans s’en rendre compte il a lâché la main de S. et franchi les quelques mètres qui les séparent. Ils se regardent. Au moment où elle va dire une banalité pour rompre la tension il la prend dans ses bras, pose ses lèvres sur sa joue, étrangle cette phrase trop dite qui monte dans sa gorge puis se retourne et marche.
Il fuit la réalité trop lourde pour lui. Il voudrait à la fois qu’elle le retienne et mourir tant sa vie lui semble vaine. Il ne sait plus que faire de son corps inutile, trop lourd à porter. Seule elle peut le sauver, seul son amour pourrait lui redonner espoir. Il étouffe. Les larmes. Envie de vomir. S’étendre là et attendre en une interminable agonie. Quelques mètres, il titube, ses jambes ne le portent plus. Il s’écroule. Il sent le sang battre dans ses tempes. Entends les voix autour de lui. S. qui pleure. Il se dit qu’il a loupé sa sortie. Il refuse d’ouvrir les yeux de peur qu’elle ne soit plus là. Qu’elle l’ait encore abandonné, de peur de la voir aussi. Il a peur de l’avenir sans elle.
(Cette courte nouvelle, il y a quelques mois, me permet de réaliser le chemin parcouru depuis ce moment)...